La régulation à l'épreuve de l'innovation : les pouvoirs publics face au développement des monnaies virtuelles
Rapport d'information n° () de MM. Philippe MARINI et François MARC, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 juillet
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Synthèse du rapport (en anglais) ( Koctets)
N rectifié
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 juillet |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur les enjeuxliés au développement du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles,
Par MM. Philippe MARINI et François MARC,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini, président ; M. François Marc, rapporteur général ; Mme Michèle André, première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart, vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy, secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Hervé Marseille, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, Jean-Marc Todeschini, Maurice Vincent, Richard Yung. |
LES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION DES FINANCES
Réunie le 23 juillet sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de MM. Philippe Marini et François Marc, rapporteur général, sur les enjeux liés au développement du bitcoin et des autres monnaies virtuelles. La commission a relevé que : 1 Le développement des monnaies virtuelles, et notamment du bitcoin, représente un phénomène de long terme, qui pose d'importantes questions économiques et juridiques, et qui ne saurait être ignoré des pouvoirs publics. 2 En dépit de risques clairement identifiés tenant à sa volatilité, à son anonymat et à son absence de garantie légale, le bitcoin est porteur de multiples opportunités pour l'avenir, en tant que moyen de paiement mais surtout en tant que technologie de validation décentralisée des informations. 3 Les pouvoirs publics doivent donc travailler à la mise en place d'un encadrement juridique équilibré, afin d'empêcher les dérives sans compromettre la capacité d'innovation. À cet égard, le recours aux catégories juridiques de droit commun apparaît pour l'instant la solution la plus raisonnable, à la fois pour qualifier les monnaies virtuelles et les services qui leur sont associés. 4 Les comparaisons internationales réalisées par la direction générale du Trésor à la demande des rapporteurs montrent que la France se situe à mi-chemin entre les pays qui ont adopté les règles les plus strictes - tels que la Chine, le Japon ou la Russie - et les pays les plus ouverts - tels que les États-Unis, le Canada ou Israël. 5 La clarification du régime applicable aux monnaies virtuelles devra nécessairement se faire à l'échelle européenne, et si possible mondiale, compte tenu du caractère transnational des monnaies virtuelles. |
CONCLUSIONS AND RECOMMENDATIONS OF THE COMMITTEE ON FINANCE
Meeting on 23rd July , under the chairmanship of Mr. Philippe Marini, president, the committee on finance heard a communication by Mr. Philippe Marini and Mr. François Marc, rapporteur général, on the questions raised by the development of the bitcoin and other virtual currencies. The committee on finance noted that: 1 The development of virtual currencies, among which is the bitcoin, is a long-term trend, raising important legal and economic matters, that can no longer be disregarded by public authorities. 2 Despite a number of clearly identified risks resulting from its volatility, its anonymity and its lack of legal guarantee, the bitcoin offers multiple opportunities for the future, both as a payment system and, above all, as a decentralized validation protocol. 3 Public authorities should work on a well-balanced regulatory framework, in order to prevent abuses while preserving the capacity of innovation. To that effect, the use of existing legal categories seems like the most relevant solution for now, for the definition of both virtual currencies and associated services. 4 The international comparisons realized by the French Treasury for the committee on financeshow that France's choices are halfway between the strictest regulations - adopted by countries such as China, Japan or Russia - and the lightest regulations - adopted by countries such as the United States, Canada or Israel. 5 The clarification of the regulatory framework applicable to virtual currencies is to be carried out atthe European level, and if possible at the international level, considering the transnational nature of virtual currencies. |
PREMIÈRE PARTIE : LA RÉGULATION À L'ÉPREUVE DE L'INNOVATION
LES POUVOIRS PUBLICS FACE AU DÉVELOPPEMENT DES MONNAIES VIRTUELLES
Les monnaies virtuelles connaissent depuis plusieurs années un développement très rapide, et suscitent de plus en plus l'attention des autorités, des médias et du grand public. La plus connue d'entre elles est le bitcoin, à la fois moyen de paiement et système de paiement libre, anonyme et décentralisé qui connaît un grand succès depuis deux ans.
La commission des finances du Sénat avait organisé une audition conjointe sur le sujet le 15 janvier , afin de confronter les points de vue des différentes administrations - le Trésor, les douanes, la Banque de France, Tracfin - mais aussi d'un entrepreneur et d'un universitaire spécialiste du sujet. Deux questionnaires avaient dans la foulée été adressés au Gouvernement, l'un de portée générale et l'autre visant à comparer les positions adoptées par différents pays. Les réponses à ces questionnaires, qui sont annexées au présent rapport, pourront permettre d'éclairer et de guider les décisions futures, notamment au niveau européen.
L'intérêt que porte la commission des finances du Sénat à la question des monnaies virtuelles ne doit pas surprendre : depuis plusieurs années, la commission s'attache à comprendre les transformations profondes liés à l'irruption du numérique dans la vie économique et financière. Celles-ci emportent tout d'abord des conséquences fiscales : de fait, la concentration de la valeur sur des actifs immatériels extrêmement mobiles, et notamment les droits de propriété intellectuelle, a provoqué une attrition des assiettes fiscales dans les grands pays de consommation1(*). Au-delà de la fiscalité, la révolution numériquevient bouleverser de fond en comble des secteurs économiques entiers : le monopole des taxis est remis en cause par des applications de réservation sur smartphone, les hôtels subissent la double pression des sites de réservation en ligne et des solutions alternatives d'hébergement proposées sur Internet, et les professionnels de l'immobilier ont vu leur rôle d'intermédiaire contesté par des sites d'annonces entre particuliers.
Avec les monnaies virtuelles, c'est un élément plus fondamental encore qui est remis en cause : le monopole d'émission des banques centrales, manifestation par excellence du pouvoir régalien et clé de voûte de la politique monétaire. Exemple le plus connu et le plus réussi , le bitcoin, créé en en par Satoshi Nakamoto2(*), se veut une alternative libre, anonyme et décentralisée, permettant aux utilisateurs d'échanger entre eux des biens et des services sans avoir recours à la monnaie classique.
Stricto sensu, toutefois, il ne s'agit ni d'une monnaie ayant cours légal3(*), ni d'un moyen de paiement au sens du code monétaire et financier (CMF) : contrairement à la monnaie électronique , le bitcoin n'est pas émis contre la remise de fonds4(*). Il est un support de transactions. Pour l'instant, le bitcoin relève avant tout d'une forme de troc en version numérique.
Toutefois, vos rapporteurs estiment que l'on ne peut écarter d'un revers de main cette innovation, sous prétexte qu'il ne s'agirait que d'un épiphénomène. Le bitcoin connaît un succès croissant auprès des e-commerçants tels que le voyagiste Expedia ou encore l'éditeur de blogsWordPress, et il est désormais accepté par service de paiement en ligne PayPal. Si le bitcoin connaît un tel développement, c'est qu'il présente des avantages tangibles, en dépit de risques clairement identifiés.
I. LES MONNAIES VIRTUELLES : DES RISQUES CONNUS, DES OPPORTUNITÉS À DÉCOUVRIR
A. DES AVANTAGES AVÉRÉS
Le principal intérêt du bitcoin réside dans des frais de transaction réputés quasi-nuls : une étude de Goldman Sachs parue en mars estime ces frais de transaction à 1 %, contre 2,9 % prélevés par le service PayPal, lequel facture en outre 30 cents par transaction. Signalons toutefois que ce débat n'est pas tranché, dans la mesure où une estimation exacte devrait inclure, d'une part, le coût de l'équipement informatique et de l'électricité, et d'autre part, le coût du risque associé à la volatilité du bitcoin et des éventuelles couvertures à prévoir en conséquence.
Un autre intérêt notable tient à l'ingénieux mécanisme de création monétaire qui rémunère les utilisateurs du système : les transactions sont validées par les ordinateurs connectés au réseau ; en échange de la mise à disposition de leur puissance calcul, les mineurs se voient rétribués en bitcoins générés automatiquement par l'algorithme du système. On estime à environ le nombre de processeurs participant aux opérations, parfois regroupés en véritables fermes de minage , consommant d'importantes ressources mais pouvant engendrer d'importants profits.
Surtout, le bitcoin offre une très grande sécurité des transactions : celles-ci sont cryptées et validées par un grand nombre d'ordinateurs, de manière décentralisée, sans passer par un système central par définition plus vulnérable.
B. DES RISQUES À SURVEILLER
Il est vrai que le système comporte des risques notoires, qui ont conduit les régulateurs à multiplier les avertissements ces derniers mois5(*).
En premier lieu, le bitcoin se caractérise par une très forte volatilité : un bitcoin valait moins d'un dollar jusqu'en , presque 1 dollars à l'automne , et environ dollars aujourd'hui. De fait, le système est intrinsèquement spéculatif, puisque la rareté y est pour ainsi dire programmée : le rythme de création des bitcoins prévu par l'algorithme suit en effet une courbe décroissante, jusqu'à atteindre un maximum de 21 millions d'unités qui devrait être atteint en , contre environ 12 millions d'unités aujourd'hui. Mais cette rareté organisée est aussi la condition de son succès puisqu'elle garantit les détenteurs contre une dévaluation de leurs avoirs : il n'existe pas de planche à bitcoins .
Autre faiblesse majeure, le bitcoin ne bénéficie d'aucune garantie de convertibilité en monnaie réelle par les pouvoirs publics. Ceci laisse les utilisateurs bien dépourvus en cas de perte généralisée de confiance dans le système. La valeur du bitcoin n'étant adossée à aucun actif réel , tout l'édifice repose en effet sur la seule crédibilité que lui attribue la communauté des investisseurs.
Ensuite, si le protocole de validation des transactions est lui-même très sécurisé, il n'en va pas nécessairement de même pour le stockage des bitcoins. La plupart des utilisateurs décident de stocker leurs bitcoins sur des comptes ouverts auprès de plateformes d'échange en ligne. Mais le piratage puis la faillite de Mt. Gox, la plus grande plateforme au monde, qui a ruiné près de utilisateurs le 28 février , démontre la fragilité de ces coffres forts virtuels - d'autant que l'issue des recours judiciaires engagés aux États-Unis ou au Japon paraît bien incertaine. Bien sûr, il est aussi possible de stocker ses bitcoins sur un support physique personnel, tel qu'un disque dur, une tablette ou un smartphone. Mais les risques de perte ou de destruction accidentelle ne sont pas moindres : ainsi, James Howell, un Britannique qui avait acquis 7 bitcoins contre une poignée de livres sterling en , a par erreur jeté son disque dur en croyant se débarrasser d'un matériel informatique obsolète ; la valeur des bitcoins stockés sur ce disque dur atteindrait aujourd'hui plusieurs millions de livres sterling
Surtout, l'anonymat qui s'attache aux transactions fait du bitcoin une aubaine pour la cybercriminalité ou le blanchiment. C'est à ce jour la principale préoccupation des autorités des pays étudiés (cf. infra). De fait, les transactions en bitcoins sont bien plus difficiles à tracer que les transactions interbancaires classiques, même si cela n'est pas impossible. Par exemple, les services des douanes ont arrêté un trafiquant de stupéfiants qui se faisait payer en bitcoins, comme cela a été évoqué lors de l'audition du 15 janvier Certes, le site The Silk Road, où l'on pouvait se procurer drogues, armes et contrefaçons diverses moyennement un paiement en bitcoins, a été fermé fin par le Federal Bureau of Investigations (FBI) américain. Mais il ne faudrait pas en déduire que tout risque est écarté, comme en témoigne l'arrestation, le 28 janvier à New York, de Charlie Shrem, vice-président de la Bitcoin Foundation, accusé d'avoir blanchi plus d'un million de dollars en bitcoins par l'intermédiaire d'une plateforme clandestine.
Toutefois, il convient de se garder de tout alarmisme à ce stade - même si la Banque de France, Tracfin et l'AMF sont dans leur rôle en appelant à la vigilance face aux risques encourus par les utilisateurs. Pour l'heure, c'est précisément la volatilité et l'absence de statut légal du bitcoin qui devraient limiter son développement au-delà d'un cercle d'initiés : en effet, quel particulier ou quel commerçant aurait intérêt à réaliser ses transactions au moyen d'un étalon dont la valeur peut être divisée par deux en moins d'une heure ? De deux choses l'une : soit le bitcoin connaît un développement encore plus important, et c'est que ses principales faiblesses auront été écartées ; soit les risques persistent, et la croissance sera entravée.
Par ailleurs, le bitcoin ne constitue en aucun cas une menace pour la stabilité macroéconomique, compte tenu de la masse monétaire négligeable qu'il représente : entre 5 et 8 milliards de dollars, contre des milliers de milliards de dollars pour les grandes devises. Aujourd'hui, il semble donc que le bitcoin tienne davantage du produit spéculatif de niche que d'une véritable alternative à la monnaie.
C. DE MULTIPLES POSSIBILITÉS À EXPLORER
L'attention accordée presque exclusivement aux risques revient à ignorer les multiples opportunités qu'ouvrent les monnaies virtuelles. Ce n'est pas parce qu'une innovation vient mettre au défi nos conceptions traditionnelles de l'économie et de la souveraineté qu'il faut les rejeter en bloc, d'autant qu'il serait très difficile d'empêcher les particuliers d'en faire usage sur des plateformes offshore, hébergées à l'étranger.
D'abord, en tant qu'alternative aux monnaies légales, les monnaies virtuelles n'ont sans doute pas encore déployé tout leur potentiel. Les plus optimistes parlent ainsi de mettre en place des offres de crédit ou encore de financement participatif (crowdfunding) en bitcoins.
Mais surtout, plus encore qu'une monnaie , le bitcoin est une technologie, un protocole de validation des transactions entièrement décentralisé, auditable par tous et très sécurisé. En effet, dans le protocole bitcoin, aucun tiers de confiance n'est jamais en possession de l'information complète, celle-ci étant néanmoins parfaitement vérifiée. Or, s'il est possible de valider des transactions par cette méthode, pourquoi ne pas s'en servir pour valider autre chose ? Par exemple, des mots de passe, des titres d'identités, des diplômes et autres certificats, ou même des votes électroniques. La fraude sur l'authenticité de nombreux documents ou procédures pourrait s'en trouver considérablement réduite.
D'ailleurs, le bitcoin n'est pas la seule monnaie virtuelle , loin s'en faut : il y en a eu d'autres hier (Liberty Reserve, e-Gold), il y en aura d'autres demain (le litecoin est par exemple inspiré du bitcoin). Il est donc très important pour les pouvoirs publics de ne pas rester en retrait et d'accompagner ces innovations par une régulation adaptée.
II. RÉGULER SANS ENTRAVER : LE CHEMIN ÉTROIT DES POUVOIRS PUBLICS
A. LES CHOIX DE LA FRANCE : UNE RÉGULATION INACHEVÉE ?
La régulation des monnaies virtuelles apparaît aujourd'hui comme une nécessité, à la fois pour sécuriser les utilisateurs et les acteurs qui prennent le risque d'innover, et pour prévenir les dérives qui, sinon, continueront à décrédibiliser le système dans son ensemble. Toutefois, il est difficile d'apporter une réponse normative à un phénomène qui se joue des frontières géographiques autant que des cadres conceptuels.
L'audition du 15 janvier au Sénat a montré que certains acteurs privés présents sur le marché du bitcoin étaient en attente d'une régulation, ce dont il faut se féliciter. De nombreux acteurs français, regroupés au sein de l'Association Bitcoin France, ont ainsi appelé le 9 juillet à l'établissement d'un cadre réglementaire stable6(*). Sans surprise, les professionnels demandent un maximum de souplesse et un moratoire sur la fiscalité, là où les autorités plaident pour des contrôles plus pointilleux et un traitement fiscal normal. L'enjeu est ici de réguler efficacement sans tuer l'innovation.
La France a su réagir assez rapidement en matière de régulation. Le 11 juillet , en se fondant notamment sur les travaux conduits à l'initiative de votre commission ainsi que sur le rapport du groupe de travail piloté par Tracfin7(*), le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, a annoncé plusieurs mesures très concrètes :
1) Une clarification du régime fiscal applicable aux monnaies virtuelles par l'instruction fiscale du 11 juillet . Les plus-values seront ainsi imposées au barème progressif de l'impôt sur le revenu, au premier euro, au titre des bénéfices non-commerciaux (BNC) si celle-ci est occasionnelle8(*), ou des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) si l'activité d'achat-revente est habituelle9(*) - le cas devrait être peu fréquent au-delà des plateformes d'échange. Par voie de conséquence, les moins-values seront déductibles sous certaines conditions10(*). Les bitcoins et leurs équivalents entreront par ailleurs dans le patrimoine imposé au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et seront soumis aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG). En revanche, la France soutiendra au niveau européen un non-assujettissement à la TVA des échanges de bitcoins11(*), afin d'éviter de réitérer l'expérience malheureuse des quotas carbone qui ont donné lieu à un gigantesque carrousel TVA .
2) Une limitation de l'anonymat : le ministre entend imposer aux plateformes d'échange une obligation de prise d'identité à l'occasion d'une ouverture de compte, d'un retrait ou d'un dépôt. Au niveau européen, il est proposé d'imposer aux professionnels d'identifier l'auteur et le bénéficiaire de chaque transaction, ainsi que l'origine des fonds. Une concertation a été engagée avec les professionnels sur ce sujet.
3) Un plafonnement des paiements en monnaies virtuelles, comme cela existe pour le numéraire12(*) : dans les deux cas, cela se justifie par l'anonymat qui s'attache aux transactions.
En ce qui concerne la régulation des services liés au bitcoin, il faut signaler que l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) considère que les intermédiaires proposant d'échanger des monnaies virtuelles contre des monnaies ayant cours légal sont soumis au statut deprestataire de services de paiement (PSP). À ce titre, ils doivent solliciter un agrément de l'ACPR, respecter diverses obligations prudentielles, et sont assujettis aux règles de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Ainsi, les utilisateurs qui ouvrent un compte auprès d'une plateforme d'échange telle que la française Paymium (anciennement Bitcoin-Central), ouvrent en même temps un compte auprès de cet établissement de paiement agréé. Trois personnes qui opéraient une plateforme d'échange de bitcoins sans autorisation ont, à l'inverse, été arrêtées le 7 juillet par les gendarmes de la région Midi-Pyrénées, qui ont à cette occasion saisi bitcoins, soit environ euros.
D'un point de vue comptable, les bitcoins sont, d'après les éléments transmis à vos rapporteurs, considérés par les entreprises comme des stocks, et inscrits au bilan à leur valeur vénale au moment de l'achat et de la vente. Aucune autorité comptable n'a toutefois pris de position officielle à ce jour.
B. UNE COMPARAISON INTERNATIONALE
Les réponses au questionnaire adressé par vos rapporteurs aux missions économiques de la direction générale du Trésor montrent que si tous les pays se posent à peu près les mêmes questions, tous n'y apportent pas les mêmes réponses. Pour l'instant, ces divergences sont davantage le reflet d'hésitations que de conceptions opposées de la part des différents pays. Toutefois, à terme, le maintien de qualifications juridiques hétérogènes pourrait poser problème, le phénomène des monnaies virtuelles étant par essence transnational. Il ne faudrait pas que le bitcoin s'ajoute à la liste des produits hybrides qui permettent, grâce à une qualification juridique différente selon les pays, d'échapper à toute régulation ou à toute taxation13(*).
Les comparaisons avec les treize pays étudiés par les services de la direction générale du Trésor montrent que la France se situe à mi-chemin entre les pays les plus régulateurs et les pays les plus permissifs.
1. La qualification juridique des monnaies virtuelles
Il n'existe pas à ce jour de consensus quant à la nature juridique des monnaies virtuelles, entre les différents pays ou, en interne , entre leurs différentes administrations. À cet égard, la France évolue dans le même flou que la plupart des autres pays, tels que le Canada, Chypre, l'Inde, Israël, le Japon ou encore le Royaume-Uni.
Toutefois, certains pays comme la Chine, la Thaïlande ou la Corée du Sud considèrent explicitement les monnaies virtuelles comme des biens ou des marchandises , fussent-elles numériques, à l'instar d'un fichier musical mp3 . Le gouverneur de la Banque central chinoise a ainsi comparé les bitcoins aux timbres échangés par les philatélistes14(*).
La BaFin, l'autorité de supervision financière allemande, fait figure d'exception en qualifiant les monnaies virtuelles d' unités de compte , qui entrent dans la catégorie des instruments financiers au même titre que les devises. Cette définition sous-entend que le bitcoin s'apparenterait à une quasi-monnaie. En France, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a récemment défini la monnaie virtuelle comme une monnaie non-régulée et numérique , sans toutefois être suivie en cela par le Gouvernement15(*).
2. Le régime fiscal applicable aux monnaies virtuelles
Plusieurs pays ont choisi d'imposer la détention et les transactions de monnaies virtuelles, quand bien même celles-ci n'auraient pas reçu de définition légale.
Les régimes fiscaux choisis demeurent toutefois très hétérogènes : assimilés aux gains aux jeux en ligne par la Chine et à ce titre taxés à l'impôt sur le revenu, les bitcoins sont imposés comme des biens immobiliers par l'Allemagne et comme des revenus du capital par les États-Unis, ce qui emporte une taxation des plus-values.
En matière de TVA, il convient de distinguer la vente de biens et de services contre des bitcoins, et les échanges de bitcoins contre des monnaies légales. Dans le premier cas, il semble que la TVA doive s'appliquer dans les conditions de droit commun ; la taxe est alors calculée d'après la valeur en monnaie légale des biens et services. Dans le cas des échanges de bitcoins eux-mêmes et des services liés, les appréciations divergent entre les pays qui se sont exprimés sur le sujet - Allemagne, Royaume-Uni, Singapour etc. Au niveau européen, la France prônera un non-assujettissement, compte tenu des risques de fraude qui s'attachent au remboursement des créances de TVA sur les actifs immatériels.
Enfin, certains pays n'ont émis aucune règle ni donné aucune précision quant au traitement fiscal des monnaies virtuelles : c'est le cas de Chypre, de l'Inde (malgré un projet inabouti), d'Israël, de la Russie ou encore de la Thaïlande.
3. La régulation des échanges de monnaies virtuelles
En ce qui concerne la régulation des transactions et des plateformes d'échange, la plupart des pays ont multiplié les avertissements, d'abord sur les risques encourus par les utilisateurs des monnaies virtuelles, et surtout sur les risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Toutefois, tous n'en concluent pas que cela justifie une intervention du régulateur, voire du législateur : beaucoup considèrent, à l'instar du Japon, que réguler revient à légitimer, et donc à encourager. Ainsi des pays comme l'Allemagne, Israël ou le Canada se contentent-ils de prévenir les utilisateurs de bitcoins qu'ils agissent à leurs risques et périls , sans garantie publique d'aucune sorte.
Les positions les plus strictes viennent de la Russie, de la Chine et du Japon. La Chine et le Japon interdisent tout usage du bitcoin aux établissements financiers, et notamment l'échange contre des devises ; en Chine, les détenteurs de bitcoins sont toutefois autorisés à échanger cette marchandise entre eux. Plus stricte encore, la Russie attache tout simplement à l'usage des monnaies virtuelles une présomption de participation à des opérations illégales, notamment de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme .
La France fait à cet égard preuve d'un libéralisme prudent, en n'interdisant pas les monnaies virtuelles mais en assujettissant les plateformes au statut encadré de prestataire de service de paiement (PSP). Un choix comparable a été fait par les États-Unis, les plateformes ayant l'obligation de s'enregistrer auprès du Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN) chargé de la lutte anti-blanchiment.
4. Le soutien à l'innovation
Sans surprise, c'est aux États-Unis, au Canada ou encore en Israël que l'innovation en matière de monnaies virtuelles est la plus dynamique. Les incubateurs, business angels et autres start-ups s'y multiplient, dans un contexte de bienveillance des autorités publiques - aucun fonds public spécifique n'ayant toutefois pu être identifié lors des recherches. Aux États-Unis, près de millions de dollars ont été levés depuis la création du bitcoin en , au bénéfice de 19 start-ups. Au Canada, la ville de Vancouver se targue d'avoir hébergé le premier distributeur automatique de bitcoins. En Israël, plusieurs dizaines de commerces acceptent bitcoins et Isracoins , une monnaie virtuelle locale créée en À Chypre, l'université de Nicosie accepte le paiement des frais de scolarité en bitcoins, même si peu d'étudiants ont semble-t-il sauté le pas.
C. LES RECOMMANDATIONS DE VOS RAPPORTEURS
Trois profils résument les différentes attitudes adoptées face au développement des monnaies virtuelles. D'abord, les sceptiques , parmi lesquels figurent de nombreux juristes et économistes : ceux-ci soulignent à bon droit que le bitcoin n'est pas une véritable monnaie, mais ils oublient la très prometteuse dimension technique du système. Ensuite, les inquiets , dont font partie la plupart des régulateurs, car il est de leur devoir d'anticiper les problèmes et de les prévenir. Enfin, les optimistes , qui considèrent, pour reprendre une expression souvent utilisée, que le bitcoin est aux transactions ce que l'email a été au courrier et le web à l'édition.
Le potentiel de développement des monnaies virtuelles est important, et justifie l'élaboration d'un cadre juridique qui permette de favoriser l'innovation tout en prévenant les dérives. Les pouvoirs publics doivent ainsi mener dans la durée un véritable travail de veille et de réflexion sur les monnaies virtuelles, et continuer à informer les utilisateurs sur les risques mais aussi les droits associés.
Il importe surtout de mettre en place une régulation au niveau de l'Union européenne et si possible au niveau international, condition sine qua non de son efficacité : les monnaies virtuelles sont des monnaies sans frontières.
Concernant la qualification juridique des monnaies virtuelles, et dans l'attente d'une réflexion juridique plus aboutie, il convient de continuer à tester pour l'instant le recours aux catégories du droit existantes, et d'appliquer dans la mesure du possible le droit commun plutôt que de créer une catégorie ad hoc. De fait, l'absence de qualification juridique des monnaies virtuelles, correspondant au choix de la plupart des pays aujourd'hui, emporte plusieurs avantages :
- d'une part, l'application par défaut du droit commun des biens ordinaires , notamment en termes de protection des consommateurs, d'escroquerie et de litiges commerciaux. Ainsi, l'absence de qualification spécifique ne signifie pas qu'il existe un vide juridique.
- d'autre part, une imposition au barème de l'impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun, au titre des BIC ou des BNC, ainsi qu'un assujettissement à l'ISF et aux droits de mutation, comme le précise l'instruction fiscale du 11 juillet (cf. supra). La question de l'application effective de ce traitement fiscal, et notamment du contrôle des déclarations souscrites par les contribuables, reste toutefois posée - même si les enjeux financiers sont pour l'instant très faibles.
Par ailleurs, le fait que les plateformes d'échanges soient soumises au statut de prestataires de services de paiement (PSP) (cf. supra) permet l'application des règles de lutte anti-blanchiment aux monnaies virtuelles, même si ces dernières n'y sont pas soumises en tant que telles faute de qualification juridique. De fait, les monnaies virtuelles n'offrent d'intérêt en termes de blanchiment et d'activités illicites que si elles peuvent in fine être converties en monnaies officielles , ce qui suppose de passer à un moment où un autre par une plateforme d'échange. Toutefois, il pourrait être opportun de mentionner explicitement dans le droit en vigueurl'application des règles de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : la révision en cours de la directive sur les services de paiement (DSP)16(*), pourrait être l'occasion de le faire, et d'harmoniser les positions des différents États membres. Par ailleurs, une mention pourrait être introduite dans le code monétaire et financier (CMF), par anticipation ou transposition.
À défaut de s'en tenir au droit commun, trois solutions pourraient être envisagées :
1) Assimiler les monnaies virtuelles aux instruments financiers au sens de l'article L. du code monétaire et financier (CMF), par référence notamment auxdevises, avec deux conséquences principales :
- l'application de règles spécifiques aux marchés financiers, dont l'application relève de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR).
- un traitement fiscal analogue aux plus-values sur les opérations de change. Toutefois, d'après les éléments transmis à votre président et à votre rapporteur général, il n'existe pas à ce jour de disposition spécifique concernant la fiscalité des devises
2) Qualifier les monnaies virtuelles de biens meubles immatériels au sens de l'article UA du code général des impôts, ce qui entraînerait l'application d'une exonération des plus-values lorsque le prix de cession est inférieur à 5 euros - c'est par exemple la solution retenue pour les quotas carbone . Une imposition par défaut au premier euro, dans les conditions de droit commun, semble toutefois préférable à ce stade compte tenu du montant de la plupart des transactions.
3) Assimiler les monnaies virtuelles à l'or, ce qui permettrait de déclencher la compétence de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) - qui est à l'origine de la proposition - au titre des transferts physiques de capitaux au-delà du seuil de 10 euros17(*). L'application pratique de cette mesure pose toutefois question, compte tenu de la nature différente de l'or et des monnaies virtuelles.
En conclusion, la France dispose de véritables atouts dans le contexte du développement des monnaies virtuelles. D'abord, un certain nombre d'acteurs importants - qui visent d'ailleurs un marché européen plus que national -, de surcroît déjà organisés. Ensuite, une capacité d'innovation avérée en matière de technologies financières, qui a déjà fait ses preuves en ce qui concerne les modes alternatifs de paiement (crowdfunding, paiement par smartphone etc.) et pourrait aujourd'hui s'étendre aux monnaies virtuelles. Enfin, un cadre réglementaire et fiscal en construction, caractérisé par son pragmatisme. Il convient à cet égard de noter que la supervision des services et la qualification des objets ne suffiront pas à empêcher pas les détenteurs de bitcoins de les utiliser pour vendre ou d'acquérir des biens illégaux : l'action des forces de l'ordre et de la justice est complémentaire de la mise en place d'un cadre réglementaire.
Les monnaies virtuelles et les technologies qui leur sont liées ouvrent de vastes perspectives, qui ne sauraient être ignorées ou seulement rejetées : il importe, dès lors, de poursuivre la démarche de régulation engagée, dans un esprit d'ouverture teinté de vigilance.
SECONDE PARTIE : ANNEXES
LETTRE DES RAPPORTEURS AU MINISTRE
RÉPONSES DE L'ADMINISTRATION AU QUESTIONNAIRE GÉNÉRAL
Travail coordonné par la direction générale du Trésor (DGT) à la demande du président et du rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Les informations transmises sont reproduites ci-dessous dans leur intégralité.
1) Transmettre l'ensemble des documents produits par l'administration relatifs aux monnaies virtuelles (rapports, notes, circulaires, etc.).
La Banque de France a publié le 5 décembre sur son site Internet un Focus sur les monnaies virtuelles18(*) mettant en garde les utilisateurs des monnaies virtuelles sur les risques qu'ils encourent.
L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a publié une position et un communiqué le 29 janvier relatifs aux opérations sur les Bitcoins en France19(*).
La Direction générale du Trésor a diffusé le 7 mai un non-paper à l'intention du Comité des services financiers qui réunit l'ensemble des Etats membres de l'UE. Certains services économiques auprès des ambassades ont également produit des notes d'analyse début
La Direction du Renseignement Douanier (DRD) de la DGDDI a produit plusieurs analyses qui ont servi à alimenter les réflexions du groupe de travail lancé par TRACFIN (cf. ci-dessous) :
décembre : une étude relative à l'état des lieux des monnaies virtuelles en sources ouvertes, actualisée en février en ,
janvier : trois notes de tendance relatives à Webmoney, BTC China et Mt. Gox.
Par ailleurs, plusieurs travaux sont en cours au sein de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières. La division veille et analyse stratégique effectue une veille sur la problématique des monnaies virtuelles en tant que menace potentielle pour les activités douanières avec le soutien du groupe renseignement financier de la DSAO.
Deux études seront publiées dans les mois à venir sur :
les liens entre e-commerce et monnaies virtuelles afin d'identifier les risques et les opportunités de croissance que ces monnaies pourraient offrir pour le commerce en ligne ;
les ouvertures prochaines d'échangeurs de monnaies virtuelles qui permettent des retraits de métaux précieux, tel que Ripple. En effet, avec l'augmentation des actes de blanchiment utilisant l'or, les échangeurs utilisant les métaux précieux pourraient intéresser les blanchisseurs.
Cyberdouane réalise des enquêtes sur des marchandises illégales ou illicites pouvant être acquises par le biais de monnaies virtuelles (cf. première opération d'achat en Bitcoins, qui a permis l'interpellation d'un trafiquant de stupéfiants).
Enfin, un rapport sur les monnaies virtuelles, présentant les conclusions d'un groupe de travail lancé par Tracfin en décembre , est attendu pour l'été Ce groupe de travail inter-administrations (cf. question 2 pour une présentation détaillée) a pour objectif d'étudier les risques émanant des monnaies virtuelles ainsi que les moyens de limiter ces risques.
2) Indiquer si des structures de réflexion sur ce sujet ont été mises en place au sein de ou par l'administration. Si oui, préciser leur mission, leur composition et l'échéancier de leurs travaux.
Les autorités de régulation et de contrôle françaises ont engagé un certain nombre de réflexions sur le sujet des monnaies virtuelles, qui ont pris plusieurs formes.
Dans le prolongement de réflexions engagées en 20(*), Tracfin a lancé en décembre un groupe de travail inter-administrations sur les monnaies virtuelles, associant la Direction Générale du Trésor (DGT), la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects (DGDDI), la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), la Direction des Affaires Criminelles et des Grâces (DACG), la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), la Direction Générale de la Gendarmerie (DGG), la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), la Banque de France ainsi que la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI).
Ce groupe s'est réuni en décembre , ainsi qu'en janvier, avril et juin afin de dresser un panorama des risques et menaces présentés par les monnaies virtuelles. Ses travaux déboucheront sur des propositions visant à limiter ces risques à l'été
Le service a également proposé qu'un appel à vigilances soit formulé à l'attention des professionnels déclarants pour les inviter à signaler particulièrement des opérations en lien avec des plates-formes internet permettant la conversion ou l'achat-revente de monnaies virtuelles. Par ailleurs, à l'occasion de ses rencontres avec les représentants des déclarants du secteur bancaire, Tracfin recommande la mise en place d'une vigilance monnaies virtuelles .
Des échanges réguliers ont également lieu entre la Direction générale du Trésor, l'AMF, la Banque de France et l'ACPR sur les monnaies virtuelles et les réponses réglementaires qu'il pourrait être nécessaire d'y apporter, au regard des travaux internationaux actuellement en cours dans plusieurs enceintes européennes (ESMA, BCE et EBA notamment).
3) Indiquer si la France a sollicité des prises de position sur le sujet au niveau européen (Commission européenne, BCE, EBA). Indiquer si des échanges ont lieu avec les administrations étrangères ou dans le cadre de l'Union européenne.
L'ancien ministre de l'Économie et des Finances, Pierre Moscovici, a souligné, en mars , la nécessité que soit lancée une réflexion européenne sur les monnaies virtuelles (communiqué de presse du 5 mars ). Il a rappelé que les règles de protection des consommateurs et des investisseurs ne s'appliquaient pas efficacement aux avoirs détenus en monnaies virtuelles - notamment en bitcoins - et a appelé les consommateurs à la plus grande vigilance dans leur détention et leur utilisation. Il a annoncé son intention de saisir les Etats membres de l'Union européenne de la question en portant le sujet à l'examen du Conseil.
Par ailleurs, plusieurs enceintes techniques se sont déjà saisies de cette question, et les représentants français participent activement aux discussions qui s'y déroulent.
A - Au niveau européen
1. Deux groupes d'experts présidés par la DG Marché intérieur de la Commission européenne ont eu l'occasion d'aborder le sujet des monnaies virtuelles :
- le groupe de travail en matière de lutte contre le blanchiment, qui attend les résultats des travaux d'identification des risques liés aux monnaies virtuelles menés par l'Autorité bancaire européenne (EBA) et réfléchit aux approches réglementaires envisageables pour contrôler les risques identifiés.
- le groupe de travail chargé au Conseil de la négociation de la révision de la directive sur les services de paiement : une première discussion, non conclusive, a souligné les interrogations et les attentes des Etats membres quant à l'application de la règlementation en matière de paiement aux plateformes qui convertissement des monnaies virtuelles. La Commission européenne a indiqué qu'elle était favorable à une approche commune sur le sujet, et qu'il convenait également d'attendre les premières conclusions des travaux menés par l'EBA.
2. Le Comité des services financiers (ou Financial Services Committee - FSC), où la France est représentée par la direction générale du Trésor, a évoqué, lors de ses réunions du 7 mai et du 27 juin , les conclusions provisoires de l'EBA au sujet des monnaies virtuelles. L'EBA a mentionné différentes options qui vont du statu quo à l'interdiction en passant par différents niveaux d'encadrement. À cette occasion, la France a proposé, par un document de position, une approche coordonnée du sujet et a suggéré que les Etats membres prennent une position sur l'opportunité de considérer que les plates-formes de conversion de monnaies virtuelles en devises ayant cours légal soient soumises à un agrément sur la base de la directive sur les services de paiement.
3. Les autorités européennes de supervision conduisent également des travaux :
- L'Autorité bancaire européenne (EBA), qui associe les superviseurs bancaires, dont l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR) pour la France, a conduit des travaux au cours du printemps visant à inventorier les risques liés aux monnaies virtuelles et à définir les approches réglementaires envisageables. Ces travaux ont donné lieu à la publication d'un rapport début juillet
- L'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA), où la France est représentée par l'Autorité des marchés financiers (AMF), réfléchit avec ses homologues étrangers sur les risques posés par les monnaies virtuelles, notamment via le comité permanent chargé de l'innovation financière (Financial Innovation Standing Committee).
4. La BCE a réalisé un rapport en sur les monnaies virtuelles dont l'actualisation est en cours. Ce document de référence recense les risques et les questions que posent les monnaies virtuelles.
B - Au plan international
1. Le sujet est traité par le Groupe d'action financière (GAFI). La France participe aux travaux de ce groupe qui a examiné un premier document lors de sa réunion des juin Ce document intitulé les définitions clés et les risques potentiels en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme de la monnaie virtuelle a été publié à l'issue de la réunion du GAFI. Il souligne que ces monnaies sont appelées à se développer21(*) et qu'elles sont des outils puissants de circulation et de stockage de fonds illicites pour les blanchisseurs et les terroristes, hors d'atteinte des lois et de la justice.
Cette étude constitue pour le GAFI une évaluation préliminaire des risques de blanchiment et financement du terrorisme associés, tenant compte notamment des différents types de monnaies virtuelles. Ce rapport présente une série de définitions clés et constitue une base pour la production de bonnes pratiques ou de lignes directrices à l'attention des autorités compétentes et des professionnels assujettis (institutions financières, assurances, professions du chiffre et du droit, jeux, agents immobiliers, etc.).
2. A noter également, les travaux de l'Organisation Internationale des Commissions de Valeurs (OICV), en particulier son comité chargé des risques émergents (Committee on Emerging Risks) au sein duquel siège l'AMF, et chargé de l'analyse des risques menaçant la stabilité financière ou le bon fonctionnement des marchés.
3. La Banque des règlements internationaux (BRI) examine également le sujet des monnaies virtuelles, avec des analyses menées au sein du CPSS.
4. Une première discussion a eu lieu au sein du comité permanent sur la coopération en matière de supervision et de réglementation (Standing Committee on supervisory and regulatory cooperation, SCSRC) du Financial Stabilty Board (FSB) le 3 juillet
4) Quelle est la nature juridique des monnaies virtuelles ? S'il semble admis qu'il ne s'agit pas d'une monnaie au sens du code monétaire et financier, s'agit-il : d'un bien (comme de l'or) ? d'un service ? Dans ce cas, s'agit-il d'un service régulé, comme un service de paiement ou de monnaie électronique, ou d'un service d'investissement ?
Le concept de monnaie virtuelle est généralement appréhendé sous trois angles possibles :
- monnaie privée ;
- actif physique (comme l'or) ;
- actif financier.
De très nombreuses monnaies virtuelles sont en circulation. De natures variées, les monnaies virtuelles servent à la fois de moyen de paiement et de système de paiement qui, dans certains cas, peut être également interconnecté aux réseaux financiers réguliers. Il est donc difficile de classer les monnaies virtuelles dans une même catégorie alors que leurs systèmes sont très variés.
À ce jour, la nature juridique des monnaies virtuelles n'est, en France, pas tranchée. Au plan international, certains pays se sont prononcés, de façon assez diverse sur ce point, suivant les objectifs poursuivis (lutte contre l'évasion fiscale, lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme).
a) La qualification des monnaies virtuelles peut être considérée au regard de différentes branches du droit qui peuvent entrer en conflit.
Ainsi, il est permis de considérer le bitcoin comme une unité de mesure monétaire, sous forme électronique, qui ne permet de réaliser des paiements qu'au sein d'une communauté d'acteurs qui reconnaissent la valeur de cette unité monétaire.
Au regard du droit civil, le bitcoin peut être considéré comme un bien meuble incorporel valorisable, utilisé comme outil spéculatif, plus précisément d'un bien meuble par détermination de la loi car il ne peut rentrer dans la catégorie des biens immeubles définie aux articles à du Code civil.
Dans le même temps, au regard de certaines dispositions législatives, les monnaies virtuelles ne paraissent pas pouvoir être assimilées à une marchandise ou à une matière première. La notion de marchandise qui figure à l'article D. A du code monétaire et financier (CMF) recouvre celle de matière première , utilisée dans la directive MIF, qui est d'application maximale et que cet article transpose, ainsi que dans le règlement européen n /22(*). Les matières premières au sens de la directive MIF s'entendent de tout bien fongible pouvant être livré, en ce compris les métaux et leurs minerais et alliages, les produits agricoles et les fournitures énergétiques, telles que l'électricité 23(*), et, aux termes du règlement européen susmentionné, ne devrait pas englober les services ou autres éléments qui ne sont pas des biens, tels que les monnaies ou les droits immobiliers, ou qui sont totalement incorporels . Dès lors, la nature incorporelle des monnaies virtuelles semble exclure celles-ci du champ des marchandises24(*).
La DGDDI relève qu'il serait intéressant de considérer certaines de ces monnaies virtuelles (décentralisées, convertibles dans les deux sens et spéculatives) comme un bien similaire à l'or, ce qui permettrait à la douane d'être compétente en termes de contrôle des transferts de capitaux ou de les classer sous une même appellation d' instrument de paiement , ce qui les ferait alors toutes entrer dans le champ de contrôle de la douane. Toutefois, cette seconde option risquerait d'entraîner une confusion avec les moyens de paiement encadrés par le code monétaire et financier.
L'émission des monnaies virtuelles ne répond aujourd'hui à aucune qualification au regard de la réglementation bancaire et financière en vigueur :
- il ne s'agit pas d'instruments de paiement au sens du c) de l'article L. du code monétaire et financier ;
- de même, la qualification de monnaie électronique ne saurait être retenue, les monnaies virtuelles ne représentant pas une créance sur l'émetteur et n'étant pas émises contre la remise de fonds, au sens de l'article L du code monétaire et financier ;
- ces monnaies virtuelles ne rentrent pas, enfin, dans la catégorie des instruments financiers dont la liste est définie à l'article L. du code monétaire et financier (à cet égard, il est à noter que l'Allemagne a quant à elle rangé les monnaies virtuelles parmi les instruments financiers ; il s'agit de la seule juridiction à l'avoir fait à notre connaissance).
Ainsi, les monnaies virtuelles pourraient être apparentées, faute de réglementation actuellement plus précise :
- à une mesure financière - au sens de l'article D A 1 du code monétaire et financier25(*) - pouvant servir de support à des contrats financiers ;
- à un bien assimilable à un bien divers au sens de l'article L du code monétaire et financier ;
- à des indices au sens de l'article L. du code monétaire et financier, ce qui conférerait à l'AMF une compétence en termes de sanction vis-à-vis d'éventuelles manipulations de marché ;
- en termes comptables, et à défaut de qualification juridique précise, les monnaies virtuelles pourraient être considérées comme un actif physique , et non comme un actif financier, une monnaie ou de la trésorerie26(*).
b) L'ACPR estime que l'activité d'intermédiation dans l'achat-vente des monnaies virtuelles contre une monnaie ayant cours légal est celle d'un intermédiaire financier qui réalise des encaissements de fonds pour le compte de tiers27(*).
L'ACPR analyse cette activité comme la fourniture de services de paiement tels que définis à l'article L. II du code monétaire et financier : 3 c) exécution d'opérations de virement associées à un compte de paiement ; 5 acquisition d'ordres de paiement 28(*).
Par conséquent, les entités qui exerceront cette activité à titre habituel doivent disposer du statut de prestataire de services de paiement (PSP), et être ainsi agréées et soumises au régime prudentiel des PSP et assujetties aux dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, sous le contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Cette solution a été retenue par le Tribunal de commerce de Créteil, dans un jugement du 6 décembre , confirmé en appel29(*), opposant la société MACARAJA au CIC30(*). Toutefois, cette analyse n'est pas partagée par l'ensemble des homologues européens de l'ACPR. Une interprétation de la Commission européenne pourrait dès lors s'avérer utile.
Certains Etats membres semblent réticents à utiliser le cadre européen relatif aux services et aux moyens de paiements en estimant que cela légitime l'usage des monnaies virtuelles qui ne sont pas réglementées en tant que telles.
5) Faut-il définir les monnaies virtuelles en droit français au niveau législatif ou réglementaire ? Est-il préférable de disposer d'une norme européenne ou internationale (traité, accord) ?
Avant de s'interroger sur le niveau approprié pour l'établissement d'une norme, une réflexion préalable sur l'opportunité d'une régulation des monnaies virtuelles doit être conduite. La plupart des juridictions considèrent en effet que le fait de réguler ces monnaies renforcerait la légitimité de ces instruments aux yeux du public et accroîtraient leur diffuser en créant un sentiment de sécurité, alors qu'ils présentent des risques potentiels certains. La solution privilégiée par la plupart des autorités est d'alerter sur les risques encourus et sur le caractère non régulé des transactions, de manière à ce que les personnes qui y recourent le fassent à leurs risques et périls . Les limites de ce raisonnement pourraient être trouvées (i) si le développement des monnaies virtuelles dans un cadre non régulé faisait courir un risque à la stabilité (mais le consensus est clair aujourd'hui sur le fait que les volumes considérés rendent cette perspective éloignée) ; (ii) s'il donne lieu à un développement de la fraude et du blanchiment : c'est aujourd'hui le risque qui est le plus souvent mis en avant pour justifier une action publique d'assujettissement à des obligations.
Dans le cas où une définition des monnaies virtuelles serait considérée comme nécessaire, une définition découlant d'une norme européenne serait appropriée, compte tenu du caractère transnational de cette technologie et de la nécessité de disposer d'une norme la plus harmonisée possible. Il pourrait être envisagé de s'appuyer sur les textes européens existants pour élaborer cette définition mais un texte ad hoc serait sans doute préférable.
Au plan international, cette approche coordonnée du traitement des monnaies virtuelles pourrait se faire au travers le Groupe d'action financier (GAFI) qui pourrait proposer des lignes directrices servant de base à l'élaboration de normes communes dans les différentes juridictions.
Dans le cas où une définition ou un assujettissement spécifique à certaines règles des monnaies virtuelles ne serait pas considérée comme opportuns, il en résulterait que ces monnaies seraient régies par le droit commun applicable à tout bien ordinaire , déconnecté de toute référence au droit financier. Dans une telle hypothèse, le droit commun de la protection des consommateurs pourrait trouver à s'appliquer en lien avec des dispositions pénales applicables en matière d'escroquerie ou de litiges commerciaux.
A ce stade, la France a choisi une voie moyenne : alerte sur les risques, recours à des qualifications de droit commun plutôt qu'à une catégorie spécifique, clarification de l'assujettissement aux règles du secteur régulé lorsque la monnaie virtuelle rencontre la sphère régulée (soumission des plateformes d'échange avec une monnaie ayant cours légal au statut de PSP).
En conclusion, les travaux des différents groupes évoqués aux questions n 2 et n 3 visent à étudier l'opportunité de définir les monnaies virtuelles avec un double objectif :
- d'une part, couvrir la grande diversité de leurs caractéristiques, afin de ne pas s'exposer au risque d'arbitrage réglementaire au vu de failles dans la régulation ;
- d'autre part, définir une position française en vue de contribuer à l'élaboration de règles harmonisées acceptée par le plus grand nombre possible de juridictions, donc de préférence internationale et a minima européenne, en réponse à certains risques sur lesquels il n'existe pas d'instruments juridiques adaptés.
6) La qualification retenue pour les monnaies virtuelles entraîne des conséquences pour l'application de régimes spécifiques. Préciser notamment ce qu'il en est :
En matière de traitement fiscal (ISF, TVA, plus-values) :
Concernant l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) :
L'article E du code général des impôts (CGI) dispose que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article A, ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'elles ont l'administration légale des biens de ceux-ci.
Dans le cas de concubinage notoire, l'assiette de l'impôt est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant à l'un et l'autre concubin et aux enfants mineurs mentionnés au premier alinéa .
Les bitcoins entrent dans l'assiette de l'ISF définie par l'article E précité du CGI, et cela pour leur valeur vénale, c'est-à-dire celle résultant du jeu de l'offre et de la demande, retenue au 1er janvier de l'année d'imposition.
Ainsi, et conformément à l'article A du CGI, les redevables de l'ISF ayant leur domicile fiscal en France, imposables à raison de leurs biens situés en France comme hors de France31(*), doivent inclure les bitcoins qu'ils possèdent dans leur patrimoine imposable.
Par ailleurs, il est précisé que les transmissions à titre gratuit (DMTG) de bitcoins sont également, en vertu des dispositions de l'article ter du CGI, soumis aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), sous réserve de l'application de conventions internationales.
Ainsi, par exemple, en l'absence de convention fiscale, la donation de bitcoins par un donateur résidant en France à un donataire domicilié hors de France serait soumise aux DMTG en France.
Concernant la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) :
Le traitement de l'émission et de la circulation des bitcoins au regard de la TVA relève d'une problématique communautaire dès lors que la TVA est un impôt harmonisé. Un comité de la TVA - organisme consultatif prévu à l'article de la directive / CE du 28 novembre - est prévu au mois de juin afin de fixer un cadre européen au traitement TVA des bitcoins.
Concernant les plus-values :
En l'absence de cédule particulière à laquelle les rattacher, les produits résultant d'opérations sur les monnaies virtuelles doivent être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC) en application de l'article 92 du CGI qui prévoit l'imposition en BNC de toutes occupations, exploitation lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.
De plus, l'achat de biens meubles corporels ou incorporels en vue de leur revente constitue un acte de commerce au sens de l'article L. du code de commerce. Conformément aux dispositions de l'article 34 du CGI, l'achat-revente de monnaies virtuelles exercé à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale dont les revenus sont à déclarer dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Ce cas devrait cependant être peu fréquent en pratique.
En matière de lutte anti-blanchiment et de lutte contre le terrorisme.
Les monnaies virtuelles n'étant pas considérées comme des moyens de paiement en l'état actuel du droit, elles n'entrent pas dans le champ de réglementation française relative aux moyens de paiement qui prévoit des mesures particulières à des fin de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT).
En revanche, les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme s'appliquent aux opérations de conversion entre monnaie virtuelle et devise officielle compte tenu de la publication d'une position et d'un communiqué de presse par l'ACPR selon lesquels les entités qui exercent à titre habituel cette activité doivent disposer du statut de prestataire de services de paiement. Cet agrément les soumet aux obligations de LCB/FT, comme les autres prestataires de service visés à l'article L. du code monétaire et financier. L'application de ces mesures est contrôlée par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
Suite à l'avis de l'EBA de juillet , la piste retenue au niveau communautaire pourrait être, plutôt que de généraliser cette interprétation, d'assujettir les plateformes aux obligations de vigilance LCB-FT via un aménagement de la directive LAB-FT actuellement en cours de révision.
Que ce soit via l'assimilation aux PSP ou via la création d'une nouvelle catégorie d'acteur couverts par la directive LCB/FT, ces plateformes de conversion pourront donc être assujetties aux obligations de vigilances de LCB/FT à l'égard des clients et des fonds qu'elles seront appelées à convertir (identification et vérification d'identité, contrôle de l'origine des fonds, soupçons éventuels, déclaration de soupçon à TRACFIN). Elles viendraient alors s'ajouter à la liste des assujettis existante (Banques, assurances, avocats).
Les établissements financiers qui hébergent ces plateformes (probablement des établissements de paiement) devront surveiller leurs activités et leur appliquer les obligations de vigilance auxquelles ils sont astreints à l'égard de leurs clients.
La DGDDI a pour mission de contrôler les transports physiques de capitaux à la fois sur le plan international (import ou export) entre l'Union européenne et les autres pays tiers (Règlement (CE) n/ du 26 octobre ) et au niveau communautaire32(*). Suite à la révision de la législation sur les obligations déclaratives de capitaux (le décret d'application est en cours de rédaction), la DGDDI sera prochainement compétente pour contrôler les transferts physiques de capitaux supérieurs à 10 euros concernant les monnaies électroniques (cartes prépayées), l'or, les jetons de casino, en plus desespèces, bons et titres au porteur, chèques et chèques de voyage.
La DGDDI pourrait être compétente pour contrôler les mouvements de monnaies virtuelles adossés à des supports physiques (cartes prépayées par exemple) si les monnaies virtuelles sont assimilés à des fonds dans la mesure où la douane est compétente en matière de lutte anti-blanchiment pour contrôler les transferts de fonds aux frontières33(*).
Les autorités de supervision devront par ailleurs s'assurer que les entités sur lesquelles elles ont compétence en matière de LBC/FT34(*), et qui sont exposées aux monnaies virtuelles, respectent leurs obligations préventives et déclaratives en tenant compte d'une situation de risque élevé.
En matière de protection et d'information des utilisateurs, les monnaies virtuelles présentent des risques significatifs :
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